Grossesse en solo

Le soir où tout a basculé

Je me souviens comme si c’était hier du jour où je me suis aperçue que j’étais enceinte. Je suis tombée des nues et, en même temps, ça ne m’a pas plus étonnée que ça – je commence à comprendre que la vie, manifestement, aime bien se jouer de moi.

Moi qui, depuis deux années, épiais le moindre signal envoyé par mon corps à propos de mon activité ovarienne et utérine, je n’ai rien vu venir ce coup-ci. Je n’ai pas compté les jours, et suis restée pour la première fois depuis bien longtemps dans l’ignorance de la date de mon ovulation. Mes règles ne sont pas arrivées dans le mois qui a suivi mon départ ? Sans importance, voyons, on sait bien à quel point mes cycles peuvent n’en faire qu’à leur tête (et pourtant… depuis quelques mois, ils s’étaient stabilisés). Des troubles digestifs, un sommeil agité ? Le stress, c’est sûr. D’ailleurs, tiens, j’ai mal au bas ventre, la migraine, et un léger spotting (Google is your friend, Padawan) fait son apparition au fond du slip. C’est OK, voici les Vilaines qui pointent leur nez. Demain sûrement. Ah, ben non. Le surlendemain ? Toujours rien, à part une petite goutte gentiment rosée. Deux jours plus tard ? Culotte nickel. Affreux doute. Nan, impossible, je suis stérile, ne l’oublions pas. Un simple dérèglement hormonal, classique chez moi. Ahahah, petit corps, tu m’as déjà fait le coup des dizaines de fois, tu ne crois tout de même pas m’avoir comme ça !

Température prise le dimanche soir, juste au cas où, histoire d’être fixée, hein, sait-on jamais. 37°. Tout pile. Pour toi, Padawan des courbes de températures, je vais prendre le temps de préciser que 37° est la température d’une femme enceinte; quand elle ne l’est pas, et que les règles arrivent, elle chute brutalement aux alentours des 36.5°. Ce qui n’est manifestement pas mon cas. Mais pas de panique ni de faux espoir, on est le soir, et le matin, la température est plus basse : on verra demain matin.

Lundi matin, au saut du lit : 37,1°. OK, bon, là, j’ai carrément la gorge sèche. Je vais accomplir tant bien que mal mon labeur quotidien et, le soir (on revérifie, histoire d’être bien sûre, avec deux thermomètres différents : oui oui, 37,1°), on se jette sur le test de grossesse qui nous reste du temps où on y croyait encore. Oui, je sais, avec les urines du matin, c’est mieux, mais je m’en fiche, de toute façon, je le sais déjà : et oui, la voilà, la deuxième ligne rose si longtemps espérée, sur le bâton à pipi : je suis enceinte.

Et je suis terriblement, horriblement, immensément heureuse de l’être.

Mille questions se bousculent dans ma tête – comment va réagir le papa, où vais-je le mettre, ai-je bu de l’alcool ces dernières semaines, je vais prendre combien de kilos, comment je vais m’en sortir financièrement, et surtout, surtout, vais-je réussir à ne pas le perdre ? – , mais malgré tout, la joie de cette nouvelle rend toutes mes (grosses et légitimes) angoisses toutes petites en comparaison.

Je prends une douche pour me donner le temps de calmer tremblements, larmes et rires, puis j’appelle ma mère pour lui annoncer la nouvelle, ainsi que mes trois amies virtuelles-devenues-réelles, les quatre seules personnes capables de me comprendre. Comme prévu, aucune ne me juge (je crois). C’est fait, c’est annoncé, c’est officiel : je suis une future maman.

Allo gynéco, parano

Passée l’euphorie de la bonne nouvelle, le fantôme de ma fausse-couche passée revient malheureusement bien vite me hanter. Durant les deux mois qui ont suivi, me voilà rendue toutes les semaines, parfois deux fois la semaine même, à son cabinet. J’ai eu un peu mal au ventre. J’ai eu une petite goutte beige au fond de la culotte. Mes seins ne me font subitement plus mal. Ou tout simplement, je me suis réveillée avec un horrible pressentiment. Et me voilà qui fonce vérifier.

Heureusement pour moi, gygy est très patient, il comprend. A chaque fois, il vérifie : oui, le haricot est toujours là. Oui, il grandit. Et puis, enfin, oui, le cœur bat ! (même pas pleuré !). En prime, ces visites éclairs m’ont permis de repartir avec un petit cliché de l’évolution du haricot à chaque fois (contre 50€ en moins par tour, certes, mais la tranquillité d’esprit n’a pas de prix).

Puis vient le temps de la grosse frayeur, à la fin du premier trimestre : je PERDS DU SANG (marron, certes, mais du sang quand même !). Ça y est, c’est sûr, ça recommence ! Je file à 6H du matin aux urgences, où je poirote trois longues heures avant que – miracle ! Il est de garde – mon gynéco ne me fasse, entre deux consultations, une échographie pour mesurer l’ampleur du désastre. En fait, bébé va bien, j’ai « juste » fait un léger décollement du placenta. Repos, repos, repos. Durant trois semaines, je file me faire cocooner chez ma mère et mon beau-père, histoire de tenir bébé bien au chaud. Et j’y arrive. Bébé s’accroche. Trop fort, mon petit ! La barre fatidique du troisième mois est passée.

Doucement, je me détends… sauf que maintenant, il va falloir l’annoncer aux autres.

 

Solo

Aux autres, mais surtout à Lui. Mue par un instinct puissant, j’ai gardé pour moi ma grossesse durant tout ce premier trimestre, au cas où je ne parviendrais pas à garder mon bébé, comme la dernière fois. Sauf que maintenant, il est là, il existe vraiment, dans mon ventre, je l’ai vu à l’échographie. C’est un vrai bébé, il a des bras, des jambes, une tête, il bouge, donne des coups de pieds, ouvre la bouche. Il est concret. je peux – dois – en parler.

Allez, je me lance : j’appelle ex-mon chéri. Conversation cordiale, prise de nouvelles et de température, j’ai une nouvelle à t’annoncer, tiens, moi aussi, vas-y, non, toi d’abord. Il se lance : il en est maintenant certain, il veut divorcer.

Comment vous dire que, ce soir là, je me suis dégonflée. Je n’ai rien dit, j’ai tout gardé pour moi. Et j’ai pleuré.

Et j’ai eu peur. Car j’étais persuadée qu’il allait vouloir me prendre mon bébé, son bébé aussi, la chair de sa chair, son mini-moi.

Sauf que non. Je m’attendais à tout sauf à ce qui s’est passé ensuite. Lorsque je lui ai annoncé, ça a donné, dans l’ordre :

1) Ce n’est pas mon enfant, tu l’as voulu toute seule, si tu m’en avais parlé, je t’aurais dit d’avorter. Tu as fait seule le choix de le garder.

2) Sache que je ne le reconnaîtrai jamais. Je ne veux pas que tu puisses me demander une pension alimentaire, et surtout pas que dans 20 ans, il me demande de lui payer une voiture et/ou des études.

3) Je ne veux pas d’enfant (ah bon ? On essayait pas depuis plus de 2 ans ?), je suis encore jeune, et ce serait un trop grand frein à mes nombreuses conquêtes qui s’enchaînent depuis notre séparation. Je préfère elles à lui.

4) La priorité absolue maintenant, est de divorcer avant ton accouchement. Je ne veux jamais entendre parler de lui, jamais le rencontrer, je vais couper les ponts avec toute ta famille, même ton frère dont le fils est mon filleul, pour être bien sûr de ne pas être mêlé de près ou de loin à ce qui le concerne.

 

On me dit qu’il réagit à chaud, qu’il va réaliser, changer d’avis.

C’est vrai que j’avais espéré pouvoir refonder une famille, retrouver ma maison, reformer notre nid douillet autour de notre bébé.

Et bien non. Six mois plus tard, à l’aube de l’arrivée de bébé, ses positions sont restées les mêmes, voire se sont davantage ancrées dans le sol de son esprit : il ne veut pas en entendre parler. Il ne m’aime plus. Il tient plus à conserver un portefeuille garni qu’à connaître son fils. Il a investi une énergie débordante pour faire accélérer le divorce, nous passons devant le juge le 22 décembre. Après ça, adieu, good bye, advienne que pourra.

 

J’ai pleuré, pleuré, pleuré. Avec le sentiment de ne pas en avoir le droit – c’est moi qui suis partie, bien fait pour moi ! Je n’ai pas le droit de me plaindre, j’attends un enfant, n’est-ce pas ce que j’ai toujours voulu ? – . J’ai pleuré ma maison. Pleuré mon mari, ses bras, sa présence à côté de moi à chaque crainte, à chaque échographie. J’ai eu mal de ma solitude dans les salles d’attente des cabinets de radiologie et de sage-femme. J’ai eu honte de mon célibat devant les agents administratifs lorsque j’ai du faire les démarches d’usage.

Mais j’ai senti mon fils bouger dans mon ventre. De plus en plus souvent, de plus en plus fort. J’ai commencé à me projeter avec lui. A faire sa chambre. A lui acheter des affaires. Je lui ai donné un nom, un parrain, une marraine. Je lui ai brodé des bavoirs. Je me suis entièrement tournée vers lui.

Et ça va mieux. Je ne pleure plus. J’assume. Je prends ce que l’on me donne, et j’arrête de pleurer sur ce que je n’ai plus.

Je suis une fille fragile, hypersensible, je ne me pensais pas courageuse. Mais mon bébé m’a donné une force insoupçonnée jusque là. Je ne sais pas comment j’ai fait, mais j’ai tenu le coup, je tiens bon, le moral est revenu.

Je monte mes courses toute seule.

Je fais mon ménage toute seule.

Je fais toutes les démarches médicales et administratives toute seule.

J’ai changé de voiture, trouvé un appartement, réaménagé mon mode de travail, toute seule.

J’ai déménagé quatre fois en neuf mois, toute seule.

Je suis une future maman solo, mais une future maman qui déchire !

 

16 réflexions sur “Grossesse en solo

  1. C’est difficile comme situation. Voulue et pas à la fois. J’imagine la douleur, l’envie de voir ce bébé, de lui donner la vie, mais la souffrance malgré tout, et la crainte de l’avenir. Avancer sans trop se poser de question, et penser à ce petit homme, seulement à lui. Chapeau, pas le choix peut être mais il faut être forte et tu l’es certainement au quotidien

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  2. Comme Nanou, à part dire que tu as été courageuse et que grâce à ce petit bout tu t’es certainement beaucoup plus affirmée en tant que femme et personne en 9 mois que sur plusieurs années. tu as dépassé tout ça toute seule et toi et ton fils êtes heureux, ce n’est et ne sera peut-être pas facile tout le temps mais c’est là qu’on peut dire que l’Amour, le vrai, l’amour maternel fait des miracles!

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  3. J’en ai eu les larmes aux yeux, 3 ans qu’on essaie et voilà La séparation mais pour d’autres raisons! Je ne suis pas enceinte pourtant j’aurai tellement aimé!! Je te souhaite plein de courage et plein de chaleur de ma part qui vit à La Réunion ☀️

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    • Bonjour Mameu ! Merci de m’avoir lu et pour ton commentaire et ton soutien 🙂 . Si ce n’est pas indiscret, vous avez identifié la cause de ces 3 ans d’essais infructueux ? Courage à toi aussi, la vie continue et tu tomberas sûrement enceinte un jour toi aussi ! Merci encore pour ton message qui me fait très plaisir !

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  4. Bonjour ,
    Voilà je suis tombée sur ton blog et je viens tout juste de finir les 3 articles sur l’avant bébé. Je suis moi aussi futur maman célibataire , avec une histoire différente de la tienne . Au final je vais vivre ma grossesse et ma maternité « seule ». Je suis ravie d’être tombée sur ton blog Que je vais lire Bien attentivement.
    J’espère que tout va bien pour ton fils et toi !

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      • Et bien j’étais en couple pendant quasi 3 ans puis on s’est séparé et on a passé 2 ans sans se voir. On s’est revu en octobre (2016) et finalement avons repris une relation d’amitié améliorée disons cela comme ça car aucun de nous ne voulait se remettre en couple . Je suis tombé enceinte en décembre mais je ne l’ai appris que mi janvier . Ca a été automatique, j’étais contente , certes très très surprise/choquée/paniquée mais contente ^^
        Quand je lui ai annoncé il m’a dit que je devai avorter , une fois qu’il a bien compris que je ne le ferai pas il m’a dit « cest ta décision , ce n’est plus mon problème je ne veux pas en entendre parler  » voilà accouchement prévu le 13 septembre .
        Je suis prof mutée dans une académie ou je n’ai pas de proches à 3h30 de ma famille Donc je vais réellement être seule une fois mon congé fini . Enfin voilà en ce moment je n’arrive pas à vivre sereinement cette grossesse car je passe mon temps à paniquer et à remplir des papiers et des dossiers pour une crèche , pour avoir un poste fixe l’an prochain , pour un logement ..
        Ca fait du bien de voir des personnes passées par la qui s’en sortent très bien au final !

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  5. Bonjour Emeline, je suis enseignante aussi mais dans le 1° degré. Tu enseignes quoi?
    Ne t’inquiète pas, tout se mettra en place naturellement pour toi et ton petit bout 😉 . Tant que vous avez la santé tous les 2, le reste est toujours « solutionnable » !

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  6. Bonjour à toutes…je me retrouve dans la même situation et je suis dévastée…Situation compliquée…collègue de boulot qui a laissé tomber sa femme enceinte pour moi, mise en ménage rapide, arrivée rapide du bébé…nous avons été dépassés par notre Amour que je croyais passionnel et sincère. Au début, grosse panique de mon côté…ma carrière professionnelle? Son premier enfant pas encore né…comment allait-il gérer son arrivée? Quelles relations allait-il avoir avec la première maman une fois que le premier enfant serait là? Et financièrement? Bref la panique, il m’a rassurée…son premier fils est ensuite arrivé et une distance s’est installée entre nous…un peu moins d’une semaine après l’arrivée de son premier enfant, il me dit que notre enfant n’aura pas sa chance Et qu’il doit disparaître. Je décide alors de prendre mes affaires et de rentrer chez ma maman. Pendant plus de 6 semaines, aucune nouvelle de Lui…puis il reprend contact « pour que l’on voit ce que l’on va mettre en place pour l’arrivée du bébé »…

    J’avais l’impression qu’il voulait me voler le bébe qui n’est même pas encore là.

    Suite à notre discussion, je réfléchis il me dit vouloir être présent. Il me dit que des sentiments aussi forts entre nous ne s’effacent pas Mais que nous devons nous concentrer sur l’arrivée du bébé…

    Nous reprenons nos échanges par SMS. Le bonheur…parfois nous repartions dans nos délires sms puis plus aucune nouvelle pendant plusieurs jours…je lui envoie un message pour lui dire que nos discussions me manquent…il lit le message et le laisse sans réponse…

    Je comprends donc que s’il me manque, moi je ne lui manque pas…

    Je vis une grossesse horrible…je suis constamment triste et n’arrive même pas à me réjouir de l’arrivée de ce bébé…j’ai juste envie de mourir…je suis désespérée…

    Comment vous en êtes-vous sorties? Où en êtes-vous vous à l’heure actuelle? Les gens autour de moi me disent qu’une fois que mon bébé sera là, toute cette histoire ne sera plus qu’un mauvais souvenir Mais j’en doute…j’ai peur de ne plus jamais être heureuse…

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    • Bonjour petite Cléo,

      Je n’ai pas tout bien compris à ton histoire. Ton copain est-il reparti se mettre en couple avec son ex (la mère de son premier fils?). Sans vouloir faire de la psychologie de comptoir, il semble avoir une fâcheuse tendance à fuir devant une grossesse (comportement déjà répété au moins 2 fois), mais il a au moins comme bon point de ne pas complètement zapper l’existence de ses enfants une fois qu’ils sont nés.
      Bien sûr que tu pourras encore être heureuse à l’avenir. L’important est de te faire aider pendant cette période évidemment difficile que tu traverses. Le fait que tu sois chez ta maman devrait t’y aider, mais n’hésite pas à avoir recours à un suivi psy aussi.

      Au fait, quel âge as-tu?

      Quand le bébé sera là, ce sera sans doute encore plus difficile les premiers mois, épuisant et très désarmant. Tu vas avoir le sentiment de ne pas être à la hauteur de la responsabilité énorme qui te tombe sur les bras. Mais ton enfant va vite grandir, vite apprendre, vite montrer qu’il t’aime, et progressivement (environ après les 1 an de ton enfant), tu puiseras ton bonheur dans son existence, et tu recommenceras à respirer normalement.

      Aujourd’hui, je me considère comme la plus heureuse du monde avec mon merveilleux petit garçon et mon compagnon (rencontré il y a un an, donc quand mon fils avait 1 an), qui envisage de l’adopter légitimement. Comme on dit de manière si bateau, après la pluie vient le beau temps… alors accroche-toi pendant la tempête, fais-le pour ton enfant !!!

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